Bakanja - ville News

REFUGE POUR LES ENFANTS DE LA RUE A LUBUMBASHI R.D.CONGO

vendredi 24 avril 2009

Un moment d’évasion

Nous avons déjà tous croisé en cours de route des jeunes avec le regard perdu, les yeux rouges, des petits groupes d’enfants assis avec une bouteille de colle en mains. Beaucoup de nos jeunes ont un problème avec la drogue ( chanvre, Valium, colle, etc….)

Quelles sont les raisons de la consommation ?

La consommation de drogue est un élément clé de la stratégie de survie des enfants de la rue car elle permet :
* d’oublier quelques instants sa situation (passée et actuelle) ;
* d’avoir des sensations de joie et de passer d’agréables moments avec les copains ;
* de vaincre la peur pour voler ou agresser ;
* de surmonter la faim, le froid et de se sentir plus fort, invulnérable face aux autres ;
* de ne pas avoir honte de faire certaines choses : voler, mendier…

Certains sont vraiment dépendants dès leur jeune âge à la colle.

Nul n’ignore les effets néfastes que produit la substance qu’inhalent ces jeunes. Le solvant libéré par la colle provoque chez ces jeunes des moments d’euphorie. Selon des sources médicales, les effets qu’a la colle sur le système respiratoire et circulatoire est néfaste, même mortelle. Ce qui est sûr, c’est que les conséquences et les effets secondaires de ces inhalations sont comparables à ceux de n’importe quelle autre drogue.

En outre, après la colle, le passage vers d’autres drogues est bien réel. Parmi nos jeunes de 15 – 16 ans, il y en a pas mal qui fument du chanvre et autre. Dernièrement, nous avons encore interpellé un homme qui vendait du chanvre dans le quartier où se trouve Bakanja-ville. C’est un vrai combat de chaque jour, nos jeunes savent que nous avons une tolérance zéro en ce qui concerne la drogue. Même durant nos visites nocturnes des endroits où ils dorment, nous confisquons les flacons de colles.

Il est très dur pour un jeune, même s’il a la volonté de quitter la rue et qu’il veut commencer un programme de scolarisation, de persévérer. Il fait régulièrement des fugues et il abandonne à cause de l’accoutumance. C’est la raison pour laquelle nous travaillons à Bakanja Centre avec des petits groupes pour un suivi personnalisé des enfants afin de les aider à sortir de leurs difficultés. En les accompagnant avec beaucoup d’attention et d’affection, nous réussissons chez un certain nombre de jeunes.

C’est naturellement facile de se procurer de la colle et ici il y a rien d’illégal à en vendre. Pourtant, la colle produit sur le système nerveux de graves séquelles. Si nous regardons parmi tous nos enfants décédés, 80 % des cas sont liés à la drogue (overdose ou accidents à cause de l’état second provoqué par la drogue). Nous trouvons que les autorités devraient intervenir. A certains endroits, on trouve les jeunes assis ensembles à se droguer et les policiers se trouvent à quelque mètres de là. Il faudrait pouvoir interpeller le vendeur à cause du tort qu’il fait à ces jeunes et à la société en général.

Un témoignage !

(Nous avons changé le nom pour garder l’anonymat du garçon)

Gracia a neuf ans et est depuis presque 2 ans sur la rue. Gracia, nous l’avons placé l’année passée dans un des pavillons à Bakanja Centre parce qu’il avait demandé de quitter la rue. Mais à cause de sa dépendance à la drogue, il n’y avait pas moyen de le garder. Chaque fois il prenait la fuite. Nous l’avons enfermé un certain moment pour empêcher qu’il ne prenne la fuite. Une volontaire fut mise à coté de lui et devait le suivre partout.
Mais chaque fois, quand le désir de la colle devenait trop fort, il partait. Nous l’avons laissé partir et les assistants sociaux de Bakanja Ville le rencontraient régulièrement en ville ivre de colle et très sale.
Un soir, il nous a demandé s’il pouvait revenir, nous lui avons dit qu’il devait d’abord être régulier au refuge de nuit, Bakanja-Ville. Après on allait voir. Petit à petit, Gracia a fréquenté le refuge, parfois ivre mais pas toujours. Un dialogue s’est de nouveau instauré, chaque fois il demandait de rentrer à Bakanja Centre pour étudier. Nous avons fait un contrat avec lui, il devait venir dormir chaque soir au refuge et pendant un mois il devait partir à l’école à pied pour montrer sa volonté de vouloir changer. Nous avons averti quelques garçons qui vont aussi à l’école de l’encourager pour aller avec eux. Il a fait l’effort, mais après trois semaines il est tombé malade, probablement parce qu’il ne prenait plus sa dose de colle. Nous l’avons mis au dispensaire de Bakanja Centre, et de là il a été intégré à l’internat dans un des pavillons. Personne parmi les éducateurs ne croyait que cela réussirait. Mais entre-temps, il y a trois mois que Gracia est toujours là et il a même pris du poids. Nous espérons qu’il tiendra le coup !

Pour une réinsertion sociale progressive

Trois journées de conscientisation ont été organisées avec comme thème : L’acceptation et la résolution des conflits antérieurs comme critère primordial pour une réinsertion réussie des ERF. Les deux premières journées ont eu lieu dans l’enceinte de la Maison salésienne Laura. Celle du 21/03 a réuni 91 jeunes de moins de 14 ans autour de deux instituteurs de notre centre professionnel Magone. Notons que ces deux derniers sont les fruits tangibles d’un long travail salésien car eux aussi ont été dans la même situation que nos actuels jeunes, en rupture familiale. Ils sont venus montrer à nos jeunes qu’ils ont encore une chance de repartir à zéro et de réussir leur vie. Le 25/03, 74 jeunes ont été guidés dans leur réflexion par le Père Lambert, Sdb.
Lors de chacune de ces deux journées une nouvelle technique a été expérimentée : c’est le photo langage, qui permet au jeune d’exprimer ce qu’il vit en lui-même en donnant son appréciation sur une image qu’il choisit librement parmi d’autres. Signalons que cela est l’œuvre de Thibaut – un Assistant Social de Belgique venu pour 4 semaines dans notre maison pour un échange d’expériences professionnelles. Celui-ci était accompagné par sa compagne Laura qui, en tant qu’esthéticienne, a donné un coup de main dans la thérapie d’art.
Les parents de nos jeunes ERF se sont rencontrés le 28/03/09 à Imara où ils ont essayé de partager sur le même thème précité : 29 familles ont répondu positivement à notre invitation. C’est Maman Bashizi et Papa Sébastien – respectivement représentant des divisions provinciales de la Condifa et de l’Education - qui ont exposé le thème et dirigé le débat. Nous croyons que la semence que nous avons jetée en terre portera son fruit le moment venu, grâce à Dieu.
Nous avons organisé des matchs de football contre des équipes des paroisses Bikira mwenye huruma de Tabacongo, Saint Martin de la Katuba et celles de la Maison des jeunes aussi bien pour les minimes, les cadets que les juniors. Quelques matchs perdus et les autres remportés est aussi un moyen de réinsertion sociale progressive.

Le 14/03, le jeune Kazadi Mukanya François (16 ans) rend l’âme après avoir été percuté par un bus non identifié alors qu’il revenait du Camp Assistant où il s’était drogué avec ses amis. Et tandis que nous menions les démarches officielles pour son enterrement, ses compagnons sont partis retirer son corps de la morgue et l’ont inhumé au cimetière de la Gécamines. Paix à son âme !

Statistique des visites effectuées en Mars

Visites de négociations : 8
Visites avec réintégrations : 4
Visites de suivis : 109
Placés dans une maison d’accueil : 1