mercredi 25 mars 2009
Les enfants dits ‘sorciers’, mendiants d’amour !
Pas mal d’enfants qui nous arrivent sont accusés de sorcellerie. Nous savons que c’est un sujet sensible dans la culture mais nous croyons également que l’on doit en parler.
Plusieurs jeunes sont renvoyés de la maison parce qu’ils ont été accusés d’être sorciers. Beaucoup ont subi des maltraitances, qui dans une société moderne seraient condamnables par la justice. Ce n’est pas rare de voir des jeunes avec des cicatrices de brûlure, supplice subi pour un problème survenu au sein de la famille.
Qu’est ce que nous constatons ?
- Ce n’est que depuis les dix à quinze dernières années que l’on accuse les enfants d’être sorciers. D’après nous, ceci correspond à la dégradation de la situation économique du pays, le fléau des enfants de la rue n’a-t-il pas commencé après les pillages ?
- N’est-ce pas depuis cette période que les parents ont dû commencer à payer chaque mois l’école pour suppléer aux salaires des enseignants ?
- Beaucoup de parents n’ont plus les moyens de faire étudier leur progéniture.
- Beaucoup d’enfants de la rue viennent de familles recomposées.
- C’est aussi durant cette période qu’il y a eu une croissance du phénomène des sectes : combien de nos jeunes ne sont pas pris en otage dans des églises soi-disant pour être exorcisés ?
- La famille comme telle traverse également une crise à cause de l’évolution de la société traditionnelle vers la modernité. Certaines valeurs de l’éducation n’ont pas su être transposées au mode de vie actuelle.
On pourrait allonger la liste mais ce sont là les principales raisons qui expliquent les malaises dans les familles et dont les enfants sont les premières victimes.
Parents et enfants manquent de repères
Eduquer un enfant : c’est lui donner un cadre de référence dans lequel le jeune en croissance peut se référer. A défaut de celui-ci, l’enfant peut développer un comportement déviant. Il peut commencer à voler, être turbulent, agressif, hyperactif…, ce sont tous ces comportements que nous ne comprenons pas directement si nous ne prenons pas un peu de recul sur notre façon d’éduquer et sur la façon dont notre enfant assimile l’éducation que nous lui donnons.
Le risque est grand que nous mettions uniquement la faute sur l’enfant et que nous nous ne remettions pas en question ?
Dans nos différents centres, nous ne faisons pas de séances d’exorcisme, nous ne faisons pas jeûner nos jeunes pour qu’ils avouent (il est facile de faire avouer à un enfant qu’il est sorcier s’il ne reçoit pas à manger pendant des jours), et pourtant nous n’avons pas de problèmes avec cet ‘autre monde’.
Il est vrai qu’un nombre d’enfants avoue être sorcier, mais certains jouent le jeu pour mettre la pression chez les membres de la famille et obtenir ce qu’ils cherchent.
Quelques rares exceptions avouent avoir caché des grigris, mais en accompagnant l’enfant sans le stigmatiser, en l’aimant et en dialoguant… l’enfant dévoile ses petits secrets qui sont souvent des moyens pour s’affirmer, et rechercher un peu d’attention, un peu d’amour !
Une chose que nous constatons -et cela confirme notre perception-, est qu’une fois que l’enfant a une qualification professionnelle en mains, il est de nouveau le bienvenu dans la famille, parce qu’il ou elle devient ou deviendra une valeur économique.
Nous sommes convaincus que si chacun de nous prend sa responsabilité et sa charge en tant que parent ou éducateur au sérieux, nos enfants deviendront des hommes et des femmes responsables dans la société.
Témoignage d’une fille qui vient d’obtenir son diplôme d’Etat
Quand j'avais l’âge de 8 ans, ma mère est tombée malade. A partir de ce moment, toute la famille m’a accusée d’être l’auteur (sorcière) de la souffrance de notre maman. Elle est morte une année après, en 1992.
Déjà avant sa mort, j’étais l’objet de tortures, de menaces et on m’amenait dans différentes sectes où les prophètes pratiquaient toutes sortes de cérémonies sur moi: boire de l’eau, ou de l’huile pour que je puisse vomir tout le mal que j’avais en moi et qui faisait que je sois dans cet état de sorcellerie.
Deux jours après l’enterrement de ma mère, la famille m’a exclue et m’a chassée. Malheureusement, je ne connaissais même pas mon père parce que je suis un enfant né d’un deuxième mariage, ma mère s’étant remariée après la mort de son premier mari avec qui elle avait eu cinq enfants, tous des garçons. Elle ne m’avait jamais parlé de mon père. Où pouvais-je partir ? Tous étaient contre moi ? Alors, je me suis dirigée vers le marché de la ville.
La nuit, j’y ai trouvé une bande d'enfants, des filles et des garçons qui m’ont accueillie avec des coups et m’ont arraché tout ce que j’avais. Je ne pouvais pas supporter cette vie de vagabondage, des tortures et de souffrances de toutes sortes, et c'est ainsi que je me suis décidée à regagner la famille. Après presque trois mois, j’ai réapparu chez mon frère aîné qui m’a repoussée, encore.
Alors que je dormais dans un coin de la maison, tout à coup, le grand frère a versé sur moi un liquide et a jeté une allumette : j’ai été brûlée à la figure, la poitrine et au ventre, quel scandale ! J’ai crié et ce sont les voisins qui sont venus me secourir et m’accompagner à l’hôpital Sendwe où je suis restée pendant plus ou moins 6 mois. Aucun membre de ma famille n’est passé me rendre visite sauf les amies de ma mère.
Les membres de la famille sont restés catégoriques de ne plus vouloir m’accueillir chez eux. J’ai alors été recueillie dans une maison d’accueil familiale des filles. Je me suis sentie bien dans cette maison: pas de tortures, pas de menaces. Et le soir, on y recevait quelques conseils.
J’étais malade quand je devais rendre visite à ma famille dans le cadre de la réinsertion. Quel accueil ! A chaque visite, je recevais des paroles : « nous ne voulons plus d’elle », « qu’elle aille chercher son père », « espèce de sorcière ».
Aujourd'hui, je rends grâce au Seigneur qui m’a donné d’autres parents : la maîtresse de la maison, les membres de l’Œuvre Maman Marguerite, les bienfaiteurs, les éducateurs des jeunes … qui m’ont apporté toute leur affection. Je me retrouve enfin dans une situation normale ce qui me permet de préparer ma vie future.